Des patients paralysés des deux jambes remarchent pour la première fois
- Par Soline Roy
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Rééducation et stimulation électrique ont permis de réactiver des signaux après une lésion de la moelle épinière.
Cent deux mètres en 331 pas. C'est l'exploit réalisé par un jeune homme de 29 ans, près de quatre ans après un accident de motoneige qui l'avait laissé complètement paralysé des jambes. Cent deux mètres en 331 pas, rendus possibles par des chercheurs de la Mayo Clinic (Minnesota, États-Unis) et de l'Université de Californie, qui rapportent leurs résultats dans la revue Nature Medicine . Une première également réalisée avec deux patients (sur quatre traités) par une autre équipe de l'Université de Louisville (Kentucky), et annoncée le même jour dans le New England Journal of Medicine.
C'est la première fois que des patients souffrant de paraplégie complète après une lésion de la moelle épinière effectuent des pas de façon indépendante et volontaire. «Participer à cette étude a véritablement changé ma vie, témoigne l'une des patientes de l'équipe de Louisville dans le Guardian. Cela m'a apporté un espoir que je pensais impossible après mon accident de voiture.»
Il aura fallu de longues semaines de rééducation intensive couplée à un système de stimulation électrique de la moelle épinière. Les patients se sont vus implanter dans le dos un système de 16 électrodes destinées à stimuler la moelle épinière selon un programme préétabli. Les examens réalisés semblaient indiquer que, s'ils avaient perdu toute mobilité et sensations dans la partie inférieure de leur corps, leur lésion semblait incomplète: certaines connexions restaient fonctionnelles, bien que pas assez solides pour générer du mouvement. Les impulsions envoyées par les électrodes implantées étaient donc chargées de «réveiller» ces connexions endormies.
Encore loin du «lève-toi et marche»
«Nous nous posions deux questions, indique Kendall Lee, neurochirurgien à la Mayo Clinic. Le patient serait-il capable de se tenir debout? Et serait-il capable de marcher volontairement? La réponse est: oui.» «Le véritable défi commence maintenant, a ajouté l'ingénieure biomédicale Kristin Zhao dans un communiqué de la Mayo Clinic. Il faudra comprendre comment cela fonctionne, pourquoi cela fonctionne, et sur quels patients cela fonctionnera.»
Les résultats obtenus par les chercheurs américains restent toutefois limités. Les pas du jeune homme traité à la Mayo Clinic sont très lents - il parcourt autour de 0,20 mètre par seconde (m/s), contre environ 1 m/s pour un adulte en bonne santé - et hésitants. Et il a besoin du soutien d'un déambulateur et d'une aide humaine pour préserver son équilibre, qui reste précaire.
On est donc encore loin du «lève-toi et marche» dont on pourrait rêver. Mais «les choses vont s'accélérer d'une manière exponentielle», prédit Grégoire Courtine, chercheur à l'École polytechnique de Lausanne (EPFL) qui, après avoir fait remarcher des rats, puis des singes, mène lui aussi un essai clinique chez l'homme et espère rendre un jour la paralysie réversible. Les deux publications américaines «montrent le potentiel de cette technique» développée depuis une dizaine d'années. Précision des chercheurs de la Mayo Clinic: tout au long de l'étude, plusieurs évaluations réalisées sans mise en route du système de stimulation ont montré que sans ces impulsions électriques la paralysie restait complète.
Les deux équipes américaines ont utilisé «un système très rudimentaire, développé pour le traitement de la douleur», note cependant Grégoire Courtine, fondateur d'une start-up qui met au point un implant spécifiquement dédié à la récupération motrice après lésion médullaire.
«Une symphonie»
Car la marche, aussi évidente qu'elle nous paraisse, mobilise un ensemble de muscles dont les mouvements doivent s'enchaîner dans un ballet complexe. «C'est comme une symphonie, résume Grégoire Courtine. Dans l'étude de la Mayo Clinic, les chercheurs ont commencé à stimuler le patient en continu, c'est comme s'ils n'avaient qu'une seule note de musique pour exécuter la symphonie.» Après quelques mois, la stimulation a été testée en alternance, et c'est ce qui a permis au jeune homme de faire quelques pas. «L'alternance a permis de créer artificiellement une deuxième note», ajoute le chercheur lausannois. Un progrès, mais pas encore suffisant pour permettre au patient de récupérer ses pleines capacités motrices.
Une prochaine étape sera aussi d'utiliser ces technologies beaucoup plus tôt après l'accident ayant entraîné la paralysie. On sait en effet que dans l'année suivant une lésion de la moelle épinière, le potentiel de récupération est beaucoup plus important, grâce notamment à «la réactivation de gènes liés à la réparation, à la repousse des nerfs, etc., explique Grégoire Courtine. Mais après quelques mois, ils s'éteignent». La stimulation électrique ne sera par ailleurs, ajoute le chercheur, «qu'une pièce du puzzle parmi d'autres. Il faudra y adjoindre des traitements biologiques notamment. Mais d'ici quelques années, il existera bien un traitement contre la paralysie».
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Soline Roy
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